IJAM Volume 18 Number 1 (PAPIER)

V1810-P
ISSN/ISBN : 1480-8986
Pages : 98

Produit: Revue

84,00 $ CA

MOT DU RÉDACTEUR EN CHEF INVITÉ

Publics de la culture et populations : nouveaux enjeux de création et de participation

Danielle Bouder-Pailler, Université de Nantes

Les limites des modèles culturels jusqu’alors dominants (notamment les modèles d’offre descendants) conduisent à la nécessité de réinventer de nouveaux modes de coopération entre les acteurs, notamment pour les institutions culturelles. Des évolutions structurelles modifient en effet aujourd’hui en profondeur le lien entre « objets artistiques et culturels » et consommateurs/ spectateurs/visiteurs (actuels et potentiels), qui ne peuvent d’ailleurs plus être considérés dans cette seule contribution. Du fait notamment du rôle croissant joué par le numérique, ils sont tour à tour créateurs, diffuseurs, prescripteurs, passeurs-médiateurs, participants. Les profondes mutations de ce qui fait (ou défait) lien entre culture(s) et individus (considérés dans la pluralité de leurs rôles) questionnent notamment la complémentarité entre démocratisation et démocratie culturelles, pour interroger les défis de citoyenneté culturelle. Ces mutations questionnent particulièrement deux enjeux :

  • ceux de réception des œuvres légitimées par les experts sont en effet à prolonger avec ceux de la participation. Ils interrogent les processus générant appropriation – versus évitement – de l’offre et proximité (identitaire, relationnelle, fonctionnelle...) avec les dispositifs culturels. Ils questionnent également les contributions dévolues à la culture : quels nouveaux équilibres se définissent entre les objectifs de défense de l’art, de construction de soi, de cohésion sociale et d’enjeux économiques ? Quel est le rôle des valeurs intrinsèques et extrinsèques de la culture ?
  • Les nouvelles contributions (artistiques, sociétales, communicationnelles...) des acteurs en présence – producteur / diffuseur / consommateur – déplacent l’opposition entre professionnels et amateurs ainsi que le rôle des pratiques culturelles. Elles génèrent des formes de créations artistiques pouvant prendre des formes très innovantes et échapper aux acteurs institutionnels, notamment du fait du rôle croissant des technologies de l’information et de la communication (TIC). Elles ambitionnent notamment de faire « rentrer dans la boucle » (la culture définie comme « circulation du sens » - Patrice Meyer-Bisch) des publics / citoyens qui restent éloignés des propositions culturelles, notamment ceux en situation de précarité.

Quels sont, dans ce contexte, les nouveaux mécanismes individuels, collectifs, organisationnels en œuvre dans les liens interactifs – voire itératifs – entre (nouveaux) créateurs, offreurs, diffuseurs et publics / populations ? Qu’est-ce que les expérimentations générant nouveaux modèles d’offre, modes de création artistique innovants induisent sur les représentations, modes d’appropriation et de contribution des publics / populations ? Quels sont alors les nouveaux modèles de médiation culturelle ? Quels sont, dans ces processus, les apports des TIC et des réseaux sociaux ? Quels sont, globalement, les impacts managériaux internes et externes de ces évolutions ? Telles sont les questions traitées dans ce numéro spécial d’IJAM.

Ainsi, à partir des sept articles sélectionnés, il traite de trois des enjeux fondamentaux que le contexte évoqué ci-dessus interpelle.

Les enjeux de la participation

Trois articles les discutent de manière complémentaire, en s’appuyant tous sur des études de cas, car la connaissance se construit ici à partir d’expérimentations. Le premier – Interactive Design and Community Participation : The Case of the Mullae Art Village Hyunjoo Lee – adopte une perspective externe en analysant les conditions de l’émergence d’un projet artistique collaboratif innovant au sein d’une communauté.  

Les deux articles suivants adoptent eux une perspective interne.

L’article – « Breaking Down the Fourth Wall in Arts Management: The Implications of Engaging Users in Decision-Making », Leila Jancovich – analyse les effets des processus participatifs de décision sur les processus de management des institutions culturelles publiques. Il examine les leviers et les barrières à l’introduction de la prise de décision participative dans le management des arts.

L’article – « Audience Participation in Cultural Projects : Bringing the Organization Back in », Alice Anberrée, Nicolas Aubouin, Emmanuel Coblence and Frédéric Kletz – analyse quant à lui, toujours dans une perspective interne en écho avec certains enjeux du précédent, les impacts de la mise en oeuvre de démarches participatives sur l’organisation – l’institution culturelle. La transformation qu’elle génère – l’activation – serait ainsi similaire à l’activation que déclenche pour l’œuvre la présence du spectateur. Quelles interactions organisationnelles naissent – ou pas – entre la mise en œuvre de dispositifs participatifs et les transformations internes ? Est in fine interrogé la question de l’identité de l’organisation.

Le rôle des technologies de l’information dans les liens entre l’offre muséale et les publics

Les deux articles ont choisi comme champ d’application les musées car ils sont vraisemblablement les organisations les plus engagées dans les expérimentations mobilisant le numérique dans le renouveau de leurs liens aux publics.

Le quatrième article – « Web 2.0: Is the Museum–Visitor Relationship Being Redefined? » Mathilde Pulh, Rémi Mencarelli – analyse ainsi les différents rôles dévolus aux publics en termes de communication, médiation et création artistique par le recours au web 2.0.

Le cinquième article – « Can the use of interactive mediation tools influence the identity proximity between the public and the art museum ? » Marta De Miguel De Blas, Dominique Bourgeon-Renault, Elodie Jarrier – en mobilisant lui aussi les enjeux d’identité organisationnelle, analyse l’importance du processus d’appartenance dans le comportement des individus à l’égard des musées. Il étudie en quoi l’utilisation d’outils interactifs de médiation pourrait influencer l’appartenance produisant une perception de proximité identitaire plus ou moins importante chez les individus avec un musée d’art et avec les publics.

Les liens entre culture(s) et populations en situation de précarité

Le sixième article « How Do the Underprivileged Access Culture ? – Danielle Bouder- Pailler, Caroline Urbain – interroge les liens entre culture(s) et un segment spécifique. S’y intéresser revient à se focaliser sur ce qui constitue les principaux freins à l’accès et à la participation culturelle. Appuyé sur le constat des professionnels sur la difficulté de servir les missions de développement personnel et de socialisation attribuées aux loisirs et à la culture, l’objectif de cette recherche est d’explorer la manière dont la culture, appréhendée sociologiquement par les loisirs, est perçue par les publics défavorisés, de mieux caractériser leurs attentes et de permettre ainsi une meilleure adéquation de l’offre.

Le renouvellement des publics dans un contexte concurrentiel

Enfin, le dernier article – company profil : « How to Engage Audiences with Growing Eclectic Tastes TOHU » André Courchesne, Philippe Ravanas – permet d’appréhender les mêmes défis de liens aux publics dans un autre champ culturel en présentant l’expérience du TOHU, un cirque montréalais. Comment, dans le champ du spectacle vivant, mobiliser les publics et les rajeunir, développer des goûts éclectiques alors que l’on se situe dans un contexte très concurrentiel ? Un enjeu récurrent pour les acteurs culturels. Se fondant sur les modèles développés dans les musées, les résultats d’expérimentations sont présentés, expérimentations ayant notamment jouées sur les leviers de fidélisation (which attractiveness of membership cards ?), de segmentation (strategies de ticket pricing).